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Sébastien Jean, économiste : « Les entreprises doivent composer avec les politiques publiques de souveraineté et de sécurité économique »

L’étau politique se resserre autour des relations économiques internationales, mettant les acteurs impliqués au défi de s’adapter à un contexte nouveau. Pendant l’après-guerre froide, le développement de l’activité internationale des entreprises était vu comme un impératif, gage d’efficacité et de compétitivité ; la priorité était de « saisir les opportunités offertes par une économie mondialisée », pour reprendre les termes de la stratégie commerciale publiée par la Commission européenne en 2006. Lentement mais sûrement, crise après crise, les priorités ont profondément évolué depuis.
Si l’exposition des chaînes de valeur mondialisées à des catastrophes naturelles était identifiée de longue date par les entreprises, la pandémie de Covid a suscité chez les responsables politiques et dans les opinions publiques une prise de conscience des vulnérabilités associées – même si, de fait, les productions internationalisées se sont très vite adaptées à ce choc brutal.
Pour l’essentiel, cependant, les crises qui ont remodelé l’économie mondiale n’ont rien de naturel. Dans un contexte où les interdépendances économiques et financières restent étroites, la montée des rivalités de puissance s’est traduite par leur instrumentalisation croissante à des fins politiques, transformant parfois en armes des relations souvent considérées presque par définition comme mutuellement avantageuses.
Les droits de douane additionnels, les restrictions d’exportations et les contrôles d’investissements directs utilisés par les Etats-Unis contre la Chine depuis l’administration Trump en ont été la manifestation la plus tonitruante, mais elle est loin d’être la seule, ni la première.
Il est tentant pour les Européens de croire que les relations économiques et financières peuvent être déconnectées des rivalités politiques, tant cette hypothèse est en adéquation avec la structuration institutionnelle d’une Union fondée sur des règles, à l’abri du parapluie sécuritaire américain.
Au regard de l’histoire, cela reste pourtant un vœu pieux. Les guerres en Ukraine, puis au Moyen-Orient, ne font qu’ajouter à la brutalité du rappel à l’ordre. Le résultat est une extension des régimes de sanction, une augmentation de l’incertitude sur les conditions institutionnelles, une multiplication des contraintes politiques et réglementaires.
Pour prendre la mesure ce qui se joue, il faut comprendre comment les entreprises s’adaptent à ce contexte. La souveraineté n’entre certes pas dans leurs objectifs directs, c’est d’abord l’affaire des Etats. Elles sont en revanche exposées au cortège de conséquences économiques des tensions et conflits, depuis les destructions et les expropriations de droit ou de fait jusqu’aux sanctions et aux interdictions ; elles doivent aussi composer avec les politiques publiques de souveraineté et de sécurité économique.
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